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Il faut qu'on parle du corbeau freux

Dernière mise à jour :

 

 

Cette année, quelques colonies de corbeaux freux se sont installées sur le territoire de la Régionale Natagora Haute Sambre pour y entreprendre leur nidification.

La présence de ces oiseaux peut parfois inquiéter ou perturber certaines personnes et les autorités publiques locales ont adopté des approches différentes pour répondre aux éventuelles plaintes des citoyens de nos communes.

Il nous apparaît donc nécessaire de rassurer et d'informer sur la situation.

Le présent article de sensibilisation peut s'appliquer à tous les corvidés (corneilles, choucas, corbeaux, etc.). Le focus actuel sur le corbeau freux dans nos communes nous permet de rétablir la réputation de cette famille d' oiseaux noirs historiquement considérés à tort comme oiseaux de malheur.

Identification du corbeau freux

Le plumage du corbeau freux est d' un noir uniforme et le signe le plus distinctif de cet oiseau est son bec: la base de celui- ci est blanchâtre et s' obscurcit progressivement jusqu'à sa pointe. Le Corbeau freux fait partie de la famille des corvidés . Parmi les espèces les plus communes de corvidés, on retrouve également la Corneille et le Choucas.

La corneille est plus grande que le corbeau freux et sa tête est plus plate ( dans la continuité de son bec). Elle est toute de noir vêtue, de la pointe du bec jusqu' au bout de la queue !

Le choucas est quant à lui le plus petit de nos trois amis. Il est facilement reconnaissable grâce à son plumage plus clair à l ' arrière de la tête et à son iris blanc particulièrement visible lorsqu'on porte attention à ses yeux.

Pourquoi doit-on parler du corbeau freux ?

La période de nidification du corbeau freux s'étale de février-mars à mai-juin. Généralement, le nid reste occupé environ un mois. Durant cette période, les individus sont particulièrement actifs et communiquent beaucoup entre eux.

Et qui dit communication, dit bruit… Le croassement de cet oiseau parfois strident peut incommoder certaines personnes, tout comme ses déjections ou les dégâts rarement occasionnés sur les sacs poubelles lorsqu'il cherche de la nourriture.

Dernièrement, nous avons lu beaucoup de choses surprenantes sur les impacts supposément liés à la présence du corbeau freux chez nous: jardins envahis, animaux attaqués, extérieurs endommagés… On se croirait presque dans un film d'Hitchcock!

Des "nuissances" à relativiser

Comme mentionné plus haut, les petits désagréments les plus fréquents sont liés aux croassements et aux déjections. Il nous a bien été rapporté la présence de quelques individus dans les jardins ainsi qu'une colonie à Beaumont et une autre à proximité de Thuin par exemple, mais pas dans une ampleur qui permettrait de parler de prolifération ou d'invasion.

En outre, aucune doléance quant à la présence de ces volatiles ne nous est parvenue de la part de nos nombreux membres et adhérents.

Rien ne permet donc de qualifier nos amis freux de nuisibles.

Quels bienfaits pour l'environnement et pour les citoyens ?

Les avantages liés à la présence d es corbeaux freux sont variés et très précieux pour les éco-systèmes, particulièrement au se in de nos zones rurales. Comme tous les animaux sauvages qui peuple nt nos villages, ces oiseaux jouent un rôle crucial dans l 'équilibre fragile de la biodiversité.

Et contrairement à ce que l'on entend parfois, ce sont des alliés indispensables pour nos agriculteurs: ils protègent les cultures, éliminent les insectes et les petits rongeurs indésirables, contribuent à réduire les populations de hannetons, permettent de recourir moins souvent aux pesticides, participent activement à la dissémination des graines et favorisent ainsi indirectement la pollinisation.

Il y a donc moult raisons pour lesquelles vous pouvez vous réjouir d'observer quelques corbeaux freux dans votre jardin. Rappelez- vous toujours qu'ils ne cherchent qu'à nourrir leurs petits et à effectuer leur travail de participation à la sauvegarde d e la biodiversité. Leur présence, qui ne dure généralement qu'un mois environ, vous permettra bientôt de passer d'agréables soirées d 'été en terrasse avec moins de petits rongeurs ou d'insectes indésirables qui auraient pu vous importuner sans l'intervention des corbeaux freux. Et il est important de souligner à nouveau leur contribution à nous fournir une alimentation plus saine car cultivée avec moins de produits chimiques.

Leur but n'est certainement pas d'attaquer vos animaux, de ravager vos terrains ou d'abîmer vos meubles de jardins. Nous n'avons d'ailleurs connaissance d 'aucun de ces incidents dans la région. Des solutions réfléchies et efficaces existent pour réduire les désagréments par fois engendrés e t nous y reviendrons plus bas.

Les corbeaux freux sont protégés par la loi

Maintenant que vous en avez appris davantage sur les freux, vous connaissez les nombreux avantages qu'ils représentent et vous savez qu'il ne faut pas s'inquiéter de leur présence. Vous serez donc surpris d'apprendre que certaines autorités communales préconisent l'effarouchement ou carrément l'élimination de ces sympathiques visiteurs!

L'effarouchement consiste à disperser les corbeaux au moyen de diverses techniques d'éloignement et l'élimination est entreprise en détruisant les nids ou en tuant les volatiles. En plus de n'avoir pour résultat que de déplacer les colonies, ces techniques traumatisent complètement les oiseaux et ont des conséquences dramatiques sur la biodiversité. Et gardons bien à l'esprit que la nature ne supporte pas le vide; lorsque certaines espèces sont éliminées d'une zone, on constate inéluctablement un remplacement par d'autres espèces qui elles peuvent s'avérer bien nuisibles avec un effondrement potentiel à long terme des écosystèmes.

Rappelons également que tous les oiseaux sont protégés par la législation. La Loi belge sur la conservation de la nature qui protège ces animaux stipule qu'il est formellement interdit de les tuer, de les piéger ou de toucher aux nids (1). Cette loi est confirmée au niveau européen par une directive qui s'applique à tous les états membres (2).

Or il est actuellement envisagé au niveau local de passer outre ces dispositions légales au moyen de dérogations prévues dans quelques rares cas très précis. Ces dérogations peuvent être justifiées à titre exceptionnel pour les motifs suivants: dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publique (assurer la sécurité aérienne, éviter les dommages importants aux cultures, protéger la faune et la flore); à des fins de recherche et d'enseignement (repeuplement, réintroduction, élevage); et enfin pour permettre la détention de spécimens sous contrôle strict et en petites quantités.

Il est tout à fait clair qu'aucun de ces motifs ne peut justifier de déroger à la loi pour permettre d'effaroucher ou de tuer les corbeaux freux dans notre région, ni de porter atteinte à leurs nids. Les dérogations à la loi sont accordées de manière exceptionnelle et généralement pour réduire des dégâts de grande ampleur sur l'agriculture, uniquement s'il n'existe aucune autre solution satisfaisante. Il serait totalement injustifié et très dangereux d'avoir recours à ces techniques pour quelques croassements ou déjections.

La Régionale Natagora Haute Sambre invite donc les communes qui se sont engagées dans cette voie à revoir leur position et à envisager d'autres réponses à fournir à leurs citoyens.

Quelles mesures possibles en cas de nuisances avérées ?

La meilleure solution reste l'information et la sensibilisation. En cas de nuisances réelles, il ne s'agit toujours que de quelques personnes concernées; la réponse à apporter ne nécessite donc pas un travail important de la part des autorités locales.

La distribution de fiches informatives quant à la biologie du corbeau freux aux personnes vivant à proximité de colonies contribue à éveiller l'intérêt pour cet oiseau. Rencontrer ces personnes et discuter avec elles porte également ses fruits. Les communes peuvent aussi faire preuve de bonne volonté en multipliant les nettoyages des espaces publics dans les environs immédiats d'une colonie.

Pour les colonies les plus gênantes, il est possible de réduire leur attrait avant la période de nidification, donc au mois de janvier ou février, via par exemple quelques élagages ciblés à certains endroits stratégiques. Mais il faut garder à l'esprit que ça ne fera que déplacer le problème puisque ces colonies s'installeront dans les environs immédiats…

Au niveau du bruit et des déjections, il est toujours plus sage de faire preuve de tolérance et de patience durant environ 4 semaines. La pluie contribue souvent à faire disparaître les déjections et une bonne isolation des fenêtres ainsi que le recours à des protections auditives sont des solutions qui peuvent s'avérer très efficaces pour vous garantir des nuits paisibles.

Nos spécialistes Natagora en avifaune restent à votre disposition et vous assisteront volontiers en vous offrant un accompagnement adapté à la situation que vous rencontrez.

Nous proposons également nos conseils et notre expertise aux communes qui le souhaitent.

Pour conclure, rappelons que la faune sauvage est en train de disparaître de la surface terrestre: 30 à 50 % des espèces sauvages ont ainsi disparu au cours des 40 dernières années. Si les chiffres continuent d'évoluer à la même cadence effrayante, toutes les études montrent que les oiseaux auront complètement disparu de la Terre à la fin de ce siècle (3).

Chaque petit geste pour l'environnement, dont la protection que vous offrirez aux corvidés en les accueillant dans votre jardin, contribuera à inverser cette funeste tendance.


[1] Loi belge du 12 juillet 1973 sur la conservation de la nature: http://environnement.wallonie.be/legis/consnat/cons001.htm
[2] Directive européenne du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32009L0147
[3] Rapport de l'association NALO sur la cohabitation entre les corbeaux freux et les humains: https://nalo28.pagesperso-orange.fr/NALO/corbeaux-freux-hommes.pdf

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